L’enseignement supérieur en difficulté
Le budget de l’enseignement supérieur en France a augmenté de près de 26 % entre 2008 et 2021. Louable effort, pourrait-on penser, qui montre l’importance accordée par les gouvernements successifs à la formation de la jeunesse. Mais en y regardant d’un peu plus près, la situation apparaît tout autre car, dans le même temps, le nombre d’étudiants a progressé dans des proportions analogues. Le budget par étudiant en euros courants a donc en réalité stagné durant toute cette période. Et si on prend en compte l’inflation, donc que l’on raisonne en euros constants, l’augmentation du budget n’est plus que de 9%, et la dépense par étudiant recule de 12,5% (voir graphiques ci-dessous). Cela jette un tout autre éclairage sur la soi-disant « priorité » à la formation et à l’innovation dont se réclament les discours officiels.
Evolution de la dépense par étudiant en France, base 100 en 2008
Si la dépense par étudiant en France reste cependant supérieure à la moyenne de l’OCDE, elle ne peut rivaliser avec celle de pays comme le Royaume-Uni ou la Suède, et reste nettement inférieure à celle de l’Allemagne. Et si la tendance actuelle est maintenue, l’écart ira grandissant.
Ce manque d’ambition pour l’enseignement supérieur depuis une douzaine d’années a inexorablement mené à une dégradation qui sera lourde de conséquences pour l’avenir s’il n’y est pas mis fin rapidement. Si les grandes écoles, creusets des « élites », continuent à être richement dotées, l’Université est en voie de paupérisation. Certains observateurs, comme T. Piketty, en arrivent même à parler de « jeunesse sacrifiée ». Cette situation est d’autant plus intolérable que les cadeaux fiscaux faits aux plus riches (les « premiers de cordée ») depuis l’arrivée au pouvoir d’E. Macron privent l’Etat de moyens qui seraient nécessaires pour mettre en œuvre une politique ambitieuse en la matière.
La productivité de l’économie française est reconnue dans le monde entier, et le haut niveau de formation de sa jeunesse en est un des principaux facteurs, rendant le pays très attractif pour les étudiants étrangers : la France occupe la sixième place mondiale pour l’accueil d’étudiants étrangers. Ceux-ci contribuent ensuite, lors de leur retour au pays, au rayonnement de la France et de sa culture dans le monde. Mais la forte augmentation récente des frais d’inscription universitaires pour les étudiants étrangers conduira à une intolérable sélection par l’argent qui se traduira inévitablement par une diminution de cette attractivité. De plus, il y a actuellement, dans le cadre de la pré-campagne électorale, une absurde et délétère surenchère à droite pour la réduction du nombre de ces étudiants, dont le seul tort est justement d’être … étrangers.
À l’approche de l’élection présidentielle, il faut espérer que cette question de la place à donner à la formation de la jeunesse, notamment à travers les moyens octroyés à l’enseignement supérieur pour le maintenir performant et attractif, trouvera la place qu’elle mérite dans les débats.