Les bobards de la macronie et autres «réformateurs»
Cette « réforme » est nécessaire pour équilibrer les comptes du système de retraite ? NON.
Selon les prévisions du Conseil d’orientation des retraites, le système n’est pas en déficit et ne le sera pas jusqu’en 2030. Et s’il en était besoin pour qu’il reste en équilibre après cette date, il y aurait d’autres solutions qu’un report de l’âge légal de départ à la retraite ou une augmentation de la durée de cotisation : par exemple, mettre fin aux multiples exonérations accordées aux entreprises sans contrepartie ni contrôle, augmenter légèrement le taux des cotisations et bien sûr, en premier lieu, augmenter les salaires, ce qui alimenterait mécaniquement les caisses de la Sécurité sociale et autres caisses de retraite.
Cette « réforme » permettrait de « sauver » le système par répartition ? NON.
Non seulement il n’a pas besoin d’être « sauvé », mais les multiples réformes qui nous ont été imposées depuis plusieurs décennies l’ont déjà été au nom de cette soi-disant nécessité. Pourtant, il en faut toujours une de plus pour prétendre y parvenir. Et celle-ci, si elle était mise en œuvre, avec toujours la même recette – nous « faire travailler plus longtemps » –, ne rapporterait guère plus que les précédentes. Et pour cause…
En 2021, selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites, 65 % des personnes de 60 à 64 ans n’occupaient déjà plus d’emploi. La « réforme » ne les ferait donc pas travailler et cotiser « plus longtemps ». De plus, les économies réalisées par les caisses de retraite sur les pensions qui ne leur seraient plus versées entre 62 et 64 ans seraient en partie compensées par des dépenses supplémentaires d’autres institutions ou dispositifs (assurance-chômage, assurance-maladie, minima sociaux). Quant à ceux qui continueraient à travailler jusqu’à 64 ans, ils occuperaient des emplois qui ne seraient donc pas disponibles pour des personnes plus jeunes.
En revanche, le durcissement des conditions d’accès à une retraite complète permettrait aux régimes de retraite de faire d’importantes économies par une baisse du montant des pensions. En effet, un nombre croissant de personnes n’atteindraient pas les 43 ou 44 années de cotisation nécessaires pour une retraite à taux plein et percevraient des pensions plus faibles, sur toute la durée de leur retraite. C’est bien là, en effet, le but réel et le résultat effectif des mesures successives d’allongement de la durée de cotisation, qui font déjà leur effet suite aux précédentes réformes et se traduisent par une paupérisation croissante des personnes âgées. A l’opposé du prétendu « sauvetage » du système de retraite, cette nouvelle réforme serait pour nombre d’entre elles un retour vers l’insécurité d’avant la Sécu.
Puisque l’espérance de vie augmente, il faut travailler plus longtemps ? NON.
Si l’espérance de vie augmente globalement, il s’agit d’une moyenne qui masque d’énormes inégalités selon la situation sociale et professionnelle. L’écart entre l’espérance de vie à la naissance des 5 % les plus pauvres et celle des 5 % les plus aisés est de 13 ans chez les hommes et de 8 ans chez les femmes ; l’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier est inférieure de 7 ans à celle d’un cadre.
Est-il « juste » d’obliger un éboueur, un ouvrier du bâtiment, une aide-soignante, un chauffeur routier, une institutrice ou une employée de crèche à travailler jusqu’à 64 ans, alors que beaucoup sont déjà épuisés, cassés, démotivés bien avant cet âge ? Est-ce raisonnable alors qu’à 35 ans, l’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier est inférieure de 10 ans à celle d’un cadre ? C’est aussi une question de santé publique.
Mais surtout, l’emploi est-il le but premier, sinon unique, de l’existence, la seule raison d’être des humains ? Est-ce que tout espace de temps gagné sur la mort, la maladie ou l’invalidité doit être obligatoirement consacré à un « travail » subordonné à un employeur, un supérieur hiérarchique, des clients ou des donneurs d’ordres – même si l’on peut y trouver du plaisir, voire un épanouissement ?
Depuis deux siècles, l’un des objectifs majeurs des luttes ouvrières et du mouvement social a été la conquête du « temps libre », l’un des derniers acquis dans ce domaine – déjà remis en cause et en partie supprimé – étant la retraite à 60 ans. Le temps libre, ce n’est pas l’oisiveté. C’est la liberté de choisir ce que l’on fait, pourquoi, quand et comment on le fait, pour soi, pour sa famille, pour son entourage, pour la société.
Aujourd’hui, les conditions permettent d’en gagner davantage et non d’en perdre, encore faut-il le vouloir. Il faut l’imposer à ce gouvernement au service d’une idéologie rétrograde et des intérêts d’une minorité, empêcher sa « réforme », revenir sur les précédentes et aller encore plus loin dans la conquête du temps libre.