Les énergies fossiles et leur financement
« Nous nous enfonçons chaque année un peu plus dans notre addiction aux combustibles fossiles. » Serait-ce un communiqué de Greenpeace ? Ou le constat désabusé d’Europe-Ecologie-Les Verts ? Non, celui qui a tenu ces propos tout récemment n’est autre qu’Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU.
L’accord de Paris sur le climat de 2015, signé par 195 pays, pas moins, avait suscité de réels espoirs. Il semblait que les gouvernements prenaient enfin la mesure de l’ampleur du changement climatique et qu’ils allaient s’atteler à relever ce défi crucial pour l’avenir de la planète. Mais une fois de plus, ces espoirs ont été vite douchés, car il s’avéra rapidement que cet accord allait en grande partie rester lettre morte, comme ses prédécesseurs depuis plus de deux décennies, aucune contrainte n’accompagnant les engagements pris.
Le principal objectif de l’accord était de limiter le réchauffement à 1,5°C d’ici à la fin du siècle. Un objectif qui ne peut être atteint qu’en réduisant drastiquement le recours aux énergies fossiles, et cela sans plus attendre. Dans le dernier rapport du GIEC, qui confirme les pires prévisions antérieures, les scientifiques indiquent 2025 comme année-charnière. Si d’ici-là nous ne changeons pas radicalement de cap, nous n’échapperons pas, selon eux, à des conséquences dévastatrices. On se dit alors que nos gouvernants, alarmés par ce dernier rapport et devenus conscients des enjeux, vont enfin prendre de vraies mesures, fortes, radicales, de nature à changer la donne. Quelle naïveté ! La montagne accoucha d’une souris, à savoir la loi « Climat et résilience » votée pendant l’été 2021, un catalogue de mesurettes loin d’être à la hauteur des enjeux du changement climatique en cours.
Il faut admettre que, de leur côté, les compagnies pétrolières et autres multinationales qui prospèrent sur l’exploitation des énergies fossiles – rappelons que cent d’entre elles sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988 – ont fait de réels efforts depuis quelques années… pour « verdir » leur communication comme jamais auparavant. À les entendre et à les lire, on pourrait croire que l’écologie est devenue leur principal souci, qu’elles se démènent à tout-va pour sauver la planète. Mais si, au-delà de la communication, on gratte un peu le vernis et qu’on scrute de près leurs agissements, il apparaît que la réalité est toute autre, puisqu’elles mettent discrètement en place, parallèlement à ces beaux discours, des stratégies pour accroître leur production et maintenir notre dépendance au carbone. Le cynisme dans toute sa splendeur !
Les banques ne sont pas en reste : elles ont accordé 4 600 milliards de dollars aux énergies fossiles depuis l’accord de Paris. Dans l’hexagone, 70% des investissements qu’elles ont financés dans le secteur des énergies au cours des deux années qui ont suivi l’accord de Paris l’ont été pour les énergies fossiles ! Pendant cette période, les financements que ces banques ont consacrés aux énergies renouvelables ont même diminué d’un montant équivalent à l’augmentation de ceux qu’elles ont consacrés aux énergies fossiles. Cela démontre le peu de cas qu’elles font des engagements du gouvernement et de la nécessité de préserver une planète vivable pour les générations futures.
Bien évidemment, les banques ne sont pas toutes égales en matière d’hypocrisie écologique. Citons le trio français gagnant, qui a fait de notre pays le premier financeur européen des énergies fossiles : BNP-Paribas en tête, suivi de près par le Crédit Agricole et la Société Générale.
Il existe à ce jour un délit d’écocide en France. Le crime d’écocide n’est pas encore inscrit dans la législation. S’il l’était, nul doute que les agissements de ces trois banques-là en relèveraient !