Le programme économique et social du RN
Pour Attac-54, le marqueur de cette année 2023 est le travail engagé sur la déconstruction du discours du Rassemblement National, qui élargit son audience au-delà de sa base habituelle, en attirant notamment le vote d’une partie des salariés et des Français les plus défavorisés. Un quiz à destination du grand public est en cours d’élaboration, dont une première version a déjà été testée avec succès lors de deux manifestations, syndicale et associative. Une conférence avait également été organisée le 13 avril dernier, sur le thème : « La critique du programme économique et social du RN ». Le conférencier, Vincent Drezet, membre du Conseil scientifique d’Attac-France, avait ensuite participé à deux émissions sur des radios locales, dont une sur ce même sujet.Voici un condensé des propos développés lors de la conférence et de l’émission (sur RCN).
Le Rassemblement National connaît une progression générale dans le pays : dans ce qu’on appelle la « France périphérique », qui se tourne surtout vers un vote « anti-système », dans la classe moyenne grâce à son discours sur la sécurité, dans les villages et les petites villes à travers son discours sur le pouvoir d’achat. À quoi il faut ajouter un ras-le-bol général vis-à-vis des autres partis politiques.
Dernièrement, l’attitude intransigeante du gouvernement face aux manifestations répétées et massives contre la réforme des retraites a débouché sur une crise démocratique et institutionnelle. C’est le Rassemblement National, pourtant absent dans les débats et dans la rue, qui en a profité le plus, en se contentant de capter la colère populaire. Il élargit ainsi sa base électorale, sans pour autant que cela se traduise par des propositions et des actions concrètes, car il reste fidèle à ses fondamentaux, marqués du sceau de l’injustice fiscale et sociale.
Le RN n’est pas, comme il le prétend, le parti du pouvoir d’achat. Il a par exemple voté contre la revalorisation du SMIC et contre une revalorisation du salaire des fonctionnaires. S’il propose une augmentation du salaire dans les entreprises, c’est au détriment des cotisations sociales, ce qui se traduira par une dégradation de la couverture sociale qui protège d’abord les plus défavorisés.
Il veut par ailleurs privatiser l’audiovisuel public, une mesure qui s’inscrit dans ses préconisations plus générales pour une société privatisée où les services publics seraient réduits à leur plus simple expression.
Les mesures fiscales qu’il propose sont en parfaite cohérence avec le néolibéralisme ambiant et favoriseraient d’abord les plus riches : suppression des droits de donation et de succession (les classes moyennes en sont déjà exemptées, ce sont donc les 20% les plus riches qui en bénéficieraient) ; diminution de la progressivité de l’impôt sur le revenu ; dégradation des services publics ; baisse des aides et prestations sociales, et de tout ce qui atténue les inégalités (qu’il assimile à de l’assistanat) ; refus du rétablissement de l’ISF, pourtant réclamé par une grande partie de son électorat populaire.
S’il reste plutôt vague sur les questions économiques, le programme du RN est par contre très détaillé sur ses thèmes traditionnels de la sécurité et de l’immigration, sur lesquels il n’a pas changé depuis 20 ans, fidèle à son approche nationaliste et xénophobe. Pour tout ce qui touche aux libertés publiques, le RN reste donc bien un parti d’extrême droite.
En matière de fraude, sans surprise, le RN met l’accent sur la fraude aux prestations sociales, ciblant ainsi particulièrement les plus défavorisés et les immigrés (sur le thème : « On ne va quand même pas payer pour eux ! »). Mais il faut ramener cette fraude à sa juste valeur, en comparant les 2 à 3 milliards d’euros annuels qu’elle représente, à la fraude fiscale des plus riches – de l’ordre de 80 milliards d’euros –, et à la fraude aux cotisations sociales du travail et des revenus non déclarés – estimée à 20 milliards d’euros. Les ordres de grandeur ne sont pas comparables, et ne laissent pas de doute quant aux priorités à donner en la matière…
Le RN a fait de gros efforts pour apparaître comme un parti respectable. Son discours a ainsi fortement évolué sur la question de l’Europe, car ses responsables ont compris qu’ils n’accèderaient pas au pouvoir en affichant la volonté de sortir de l’euro et en se mettant à dos l’Union Européenne et les marchés financiers.
Par ailleurs, quand le gouvernement fait de la NUPES son ennemi principal, il fait le lit du RN en contribuant à sa dédiabolisation et sa normalisation.
Quant à Eric Ciotti, il fait sauter de nouvelles digues lorsqu’il déclare que la seule différence entre la droite et le RN est la capacité à gouverner.
Mais au-delà des discours de façade du RN, il est important de dévoiler la réalité des faits et des projets, et de faire comprendre à l’électorat populaire que choisir le vote RN, c’est agir contre ses propres intérêts.
L’émission radio peut être écoutée sur le lien suivant : http://www.rcn-radio.org/wp-content/uploads/2023/04/2023_04_14_dialectique_le_programme_economique_du_rn.mp3