ATTAC-54

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Catégorie : Éditoriaux

À propos de relocalisation (Édito – octobre 2021)

La crise sanitaire a contribué à mettre en évidence les conséquences des délocalisations. Le pays s’est retrouvé en manque de masques, de respirateurs et on s’est rendu compte que nos médicaments dépendaient de matières de base produites en Inde ou en Chine.

Mais la nécessaire relocalisation d’un certain nombre d’activités soulève aussi de nombreuses questions. Va-t-on encourager le repli sur soi, voire le nationalisme ? Va-t-on empêcher l’industrie française de gagner de nouveaux marchés ? Va-t-on affamer des peuples en limitant les exportations de céréales ? Ces questions ne doivent cependant pas nous empêcher de réfléchir à la manière dont ATTAC pourrait apporter sa contribution. Revenons d’abord sur ce qui explique une grande part des délocalisations opérées avant tout par les multinationales, à savoir la recherche de bas salaires et de faibles coûts de production. Pour contrer ces pratiques, sans nécessairement porter tort aux pays concernés, il faut d’une part exiger que les produits importés puissent répondre à certaines normes sociales et environnementales, et d’autre part taxer davantage leur transport (ce qui peut contribuer à limiter les émissions de CO2). Mais il faut aussi prôner des pratiques économiques, en particulier agricoles, qui valorisent le développement des pays pauvres en les protégeant d’importations à bas prix provenant des pays riches et faisant concurrence aux productions locales.

Les relocalisations soulèvent encore de multiples autres problèmes.

Comment par exemple contraindre les multinationales à ne pas trop découper leurs processus de production en plusieurs phases réparties dans différents pays ? Ce qui aboutit, dans le cas de l’automobile par exemple, à ce que plus aucune petite citadine de marque française ne soit entièrement fabriquée en France. Comment limiter les flux financiers qui contribuent à favoriser les actionnaires au détriment des salariés ? Ou encore comment arrêter la numérisation généralisée de la planète qui pourra à moyen terme provoquer la délocalisation de millions d’emplois tertiaires et qui donne aux GAFAM un grand pouvoir de nuisance ? Qu’elles viennent d’ATTAC ou non, les propositions pour taxer les richesses ou limiter le pouvoir des multinationales ne manquent pas, mais force est de constater que, même si certaines mesures paraissent aujourd’hui émerger, le pouvoir du capital reste intact…

La question de relocaliser certaines activités mérite donc largement d’être posée, même si elle peut être dévoyée. A nous de promouvoir des politiques qui favorisent le développement local tout en se prémunissant de l’avidité des banques  et des multinationales. On a bien réussi à réouvrir l’entreprise qui fabriquait des masques dans les Côtes d’Armor…

Passe sanitaire et libertés (Édito – septembre 2021)

Le passe sanitaire a été instauré dans l’été, après une parodie de débat parlementaire. Limité dans un premier temps aux lieux culturels, sportifs et de loisirs accueillant plus de 50 personnes, il a ensuite été étendu aux hôpitaux, bars, restaurants et grands centres commerciaux, puis à tous les salariés en contact avec du public.

Se soumettre régulièrement à des tests PCR n’étant pas réaliste sur la durée (d’autant qu’ils pourraient devenir payants), la mise en place du passe constitue dans les faits une obligation de vaccination qui ne dit pas son nom. Ne pas avoir le précieux sésame équivaut à renoncer à toute vie sociale et même, pour certains, professionnelle.

De plus, c’est un moyen pour le gouvernement de se défausser de ses prérogatives et de ses responsabilités sur des particuliers : cafetiers, restaurateurs, gérants de salles de cinéma, de théatre ou des sports, bibliothécaires, directeurs de maisons de retraite, employeurs, etc. Ce qui implique à la fois des contraintes et des coups importants pour ceux-ci, mais aussi une certaine inefficacité : d’une part faute de moyens pour certains de mettre en œuvre ces nouvelles obligations, d’autre part faute d’être autorisés – et c’est heureux – à contrôler les papiers d’identité.

Instauré initialement jusqu’au 30 septembre, il a été prolongé jusqu’au 15 novembre et nos dirigeants ont d’ores et déjà laissé entendre qu’il pourrait être reconduit au-delà. Ainsi s’habitue-t-on progressivement à l’idée d’être contrôlé dès que l’on sort de chez soi pour s’adonner à des activités aussi banales que la pratique d’un sport, un dîner au restaurant ou une sortie au cinéma.

Le fait que niveau de vie et taux de vaccination soient fortement corrélés rend cette mesure antisociale. Mais plus grave encore sont les possibles implications pour les travailleurs non vaccinés, avec des menaces de lourdes sanctions et un réel risque de perte d’emploi -particulièrement pour les CDD – ou de discrimination à l’embauche.

Par ailleurs, que ce soit à l’école, au travail ou dans la vie sociale au quotidien, dès lors que la vaccination n’est pas obligatoire, les restrictions imposées aux non-vaccinés instaurent de fait une discrimination qui pose des problèmes juridiques d’égalité devant la loi.

Une vaccination la plus large possible est probablement le meilleur rempart contre la pandémie. Mais faut-il pour autant, pour y  parvenir, instaurer un outil supplémentaire de fichage électronique dans une société par ailleurs déjà trop largement numérisée, tout en mettant à contribution, pour ce faire, des centaines de milliers de particuliers ?

CAC 40 et pandémie (Édito – juin 2021)

51 milliards d’euros distribués aux actionnaires des entreprises du CAC 40, l’équivalent des budgets cumulés des ministères de l’Écologie et de la Solidarité, voilà le bilan d’une année de pandémie avec blocage partiel de l’économie.

Que les riches profitent souvent des crises n’est plus une surprise pour grand monde, mais cette fois-ci on peut s’interroger plus particulièrement sur le rôle joué par l’État. En effet, les profits cumulés des entreprises du CAC 40 s’élevaient à 37 milliards d’euros en 2020, alors que les actionnaires ont perçu 51 milliards, soit 137 % du profit global. Voilà donc où sont passés une partie des aides de l’État et de l’argent injecté par la Banque Centrale Européenne pour soutenir la trésorerie des entreprises…

En 2005 les aides aux entreprises s’élevaient à 50 milliards, en 2015, elles atteignaient 150 milliards, et avec la crise sanitaire, des milliards ont été ajoutés aux milliards, non pas pour organiser une économie décarbonée et moins inégalitaire, mais pour préserver la rente… En fait, nous assistons à un détournement massif et incontrôlé de l’argent public pour satisfaire des intérêts privés. Il est plus que temps de mettre fin à cette situation !

Macron joue avec le feu (Édito – mai 2021)

Tout le monde se souvient de la manière dont Emmanuel Macron a réussi à se faire élire en s’opposant à Marine Le Pen. Il fallait éviter le pire, et lui se disait progressiste. Or, si le Front National, devenu Rassemblement National, a en grande partie construit sa popularité en stigmatisant les étrangers, Macron n’a pas non plus montré jusqu’à présent beaucoup de sollicitude à l’égard des migrants.

S’appuyant sur la politique sécuritaire de l’Europe, le gouvernement français n’a fait qu’aggraver au fil des mois les conditions d’accueil des exilés. Aujourd’hui encore, à la frontière italienne, à Calais ou à Paris, c’est l’hostilité qui prédomine à l’égard de ceux qui demandent l’asile. Le sort réservé aux mineurs non accompagnés est emblématique à cet égard. Alors que plusieurs associations viennent de saisir le Comité des droits de l’enfant de l’ONU pour réclamer une enquête sur les « violations graves et systématiques » de leurs droits en France, on assiste à une recrudescence des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) qui condamnent de jeunes migrants à abandonner leur apprentissage en cours… A moins d’un an de la présidentielle, alors que les ministres du Travail et de l’Education Nationale ont été interpellés, les préfets continuent à organiser l’expulsion de jeunes qui ne demandent qu’à étudier et travailler en France.

Tout semble donc indiquer que Macron a choisi de mener principalement sa campagne sur le terrain de prédilection du Rassemblement National : l’immigration. La loi « contre les séparatismes » est là pour le confirmer. En agissant ainsi, il risque fort de valider la politique de Marine Le Pen…  Contre cette logique, les forces démocratiques ont l’obligation d’agir pour contraindre l’État français à retrouver le chemin d’un accueil digne et humain des réfugiés.

Les jeunes sans-papiers meurthe-et-mosellans, lors du défilé du 1er mai

Projet de Loi Climat : copie à revoir (Édito – avril 2021)

Un des enseignements de la Marche pour le Climat du 28 mars, qui a réuni environ 130 000 manifestants au niveau national, est que les alertes lancées par le monde scientifique, climatologues en tête, quant aux terribles conséquences des changements climatiques en cours, ne sont pas encore suffisamment audibles.

La tentation est dès lors forte pour les responsables politiques de reporter à plus tard les indispensables mesures à prendre, dont certaines impopulaires, pour limiter l’impact de ces changements climatiques.

L’histoire nous apprend pourtant que ne pas agir avec fermeté à l’approche du danger, alors qu’il est encore temps de le faire, en tendant le dos dans l’espoir que l’orage passera au loin, n’est pas la solution. C’est ce qu’avaient faits les gouvernements français et anglais en abandonnant la Tchécoslovaquie à son sort lors des accords de Munich de 1938, et on sait les conséquences de leur … inconséquence. Hors, le danger qui nous guette aujourd’hui est potentiellement plus dévastateur encore que la menace brune d’alors, il s’agit ni plus ni moins de la survie de l’humanité sur une planète qui pourrait nous devenir hostile.

Force est de constater que le costume proposé par la Convention Citoyenne pour le Climat, en vue de nous protéger tant bien que mal des évolutions climatiques en cours, a été retaillé en string par le gouvernement dans le projet de Loi Climat et Résilience actuellement examiné au Parlement.

Le 9 mai prochain, en amplifiant la mobilisation du 28 mars qui constituait déjà un premier palier, nous pouvons amener les parlementaires à amender significativement le projet de loi. Ils se hisseraient ainsi à la hauteur des enjeux et nous éviteraient le spectre d’un Munich climatique.

Mais une telle loi, ossature d’une politique de combat contre les dérèglements climatiques, ne sera pleinement efficace que si elle obtient l’adhésion du plus grand nombre, ce qui ne saurait se faire sans allier justice sociale et justice climatique. Isoler les passoires thermiques pour apporter aux plus modestes économie et confort, revoir notre modèle agricole pour réduire son empreinte climatique et environnementale et permettre ainsi à chacun d’accéder à une nourriture de qualité, mettre en place une politique industrielle visant, grâce à la formation professionnelle, à reconvertir la plupart des entreprises des secteurs les plus polluants sont des exemples de mesures et orientations qui iraient dans ce sens.

Quel avenir pour la démocratie ? (Édito – mars 2021)

En France, la crise sanitaire n’a pas arrangé le sort de la démocratie, car même si nous avons pu tolérer une certaine restriction de nos libertés pour ralentir la propagation du virus, les mesures d’urgence ont sérieusement limité notre capacité à contester une politique gouvernementale qui s’est montrée de plus en plus autoritaire.

En effet, avec sa loi sur la « sécurité globale » et celle dite « contre le séparatisme », Emmanuel Macron a clairement montré sa volonté d’imposer un néolibéralisme qu’il voudrait cacher derrière des consultations comme celle de la « Convention Citoyenne pour le Climat ».

La lutte pour préserver et amplifier la démocratie dans notre pays exige donc toute notre vigilance, alors qu’inventer un contrôle démocratique de la finance et des multinationales et développer la démocratie dans l’entreprise restent toujours d’actualité…

Cependant, aujourd’hui, avec le discrédit que rencontrent les partis politiques, la démocratie locale peut nous tenter par sa proximité et son caractère concret. Bien sûr, les taux d’abstention aux dernières élections municipales ne sont pas là pour nous rassurer, mais des citoyen.ne.s et des associations se montrent motivé.e.s pour agir au niveau de leur ville, voire de leur quartier, dans une optique solidaire et écologique. Pourtant, là aussi la naïveté ne doit pas être de mise, parce que les villes perdent de plus en plus de prérogatives au profit des intercommunalités et des métropoles, mais aussi parce que le pouvoir des élus est loin d’être contrôlé. En fait , même s’il n’est pas question de retirer aux élus leur légitimité, nos sociétés exigent aujourd’hui que les citoyen.ne.s et les associations occupent une place plus grande dans la gouvernance de la cité. Il en va de l’avenir de la politique et de la démocratie.

Quel monde pour demain ? (Édito – février 2021)

La crise que nous sommes en train de vivre, en s’installant dans la durée, a fini par dépasser largement la seule question sanitaire. Elle nous met à la croisée  des chemins et nous pose l’interrogation du monde dans lequel nous souhaitons nous engager. Celui que nous proposent les profiteurs de la crise, et en premier lieu les géants du Net, dont Amazon est l’un des plus emblématiques avec un patron qui a vu sa fortune personnelle s’envoler avec l’explosion du e-commerce, mais aussi les laboratoires pharmaceutiques, dont les dividendes vont grimper à la faveur de la crise sanitaire. Ou bien un monde plus solidaire, plus écologique et moins consumériste, timidement entrevu lors du confinement du printemps dernier.

Force est de constater que cette crise a accéléré la numérisation de notre société : le télétravail s’est durablement installé dans le paysage, l’Université semble avoir trouvé dans les cours à distance la solution à ses problèmes de locaux, on nous invite avec insistance à privilégier la télé-médecine, Netflix et ses équivalents de vidéos en ligne ont rencontré un fort engouement, le e-commerce a connu une progression sans précédent, les réseaux sociaux n’ont jamais été autant plébiscités, le paiement sans contact est devenu la règle.

Contrairement à certaines idées reçues, l’impact écologique de cette numérisation est pourtant loin d’être anodin : les serveurs et data-centers effroyablement énergivores, le coût écologique de la fabrication et du recyclage des multiples outils numériques qui ont envahi notre quotidien, l’émission de gaz à effet de serre et la surconsommation liée au e-commerce en sont quelques exemples. La circulation et l’utilisation des données personnelles est également un enjeu de taille.

Saurons-nous maintenir cette intrusion du numérique dans nos vies à un niveau raisonnable, compatible avec une société libre de ses choix et avec la sobriété énergétique qui sera nécessaire pour limiter les effets du réchauffement climatique ?